Zum Seiteninhalt springen Zur Navigation springen
29. Mai 2018

«Je ne veux pas toujours être soliste!»

von Anne Payot-Le Nabour

Conversation avec Iveta Apkalna
Propos recueillis par Anne Payot-Le Nabour

Titulaire de l’orgue de l’Elbphilharmonie à Hambourg, Iveta Apkalna avait été en 2006 la première artiste à enregistrer sur l’orgue Schuke de la Philharmonie Luxembourg. Après plusieurs concerts en solo ou avec le trompettiste Gábor Boldoczki, l’organiste lettone revient cette fois dans le Grand Auditorium avec un projet inattendu autour de la musique klezmer, mais pas seulement, aux côtés du David Orlowsky Trio.

Quelle place l’orgue occupe-t-il dans le paysage musical de votre pays natal, la Lettonie ?

En Lettonie, la culture de l’orgue est très importante et repose sur une longue tradition. Même pendant la période soviétique où il était interdit d’aller à l’église, la musique d’orgue a continué à être jouée, notamment dans la cathédrale de Riga qui avait été transformée en salle de concert. Construit en 1884 par le facteur allemand Walcker, l’instrument y est réputé dans le monde entier et, depuis son inauguration, tous les organistes veulent le jouer. Petite fille, j’en rêvais moi-même et ignorais que mon souhait deviendrait un jour réalité ! En Lettonie, les organistes sont surtout des femmes et nous avons d’excellents professeurs. Le pays constitue donc un véritable centre d’intérêt en matière d’orgue.

En Lettonie, le « roi des instruments » est donc vraiment en son royaume…

Oui, en quelque sorte. Cette expression « roi des instruments » m’a souvent interrogée.

Je crois que, comme le chef d’orchestre qui doit guider et inspirer les musiciens face à lui, l’organiste doit prendre beaucoup de décisions : l’instrument est très imposant et possède des centaines de tuyaux mais c’est ensuite à l’organiste de choisir les caractères, les couleurs, autrement dit d’assumer de grandes responsabilités. Sur ce plan, aucun autre instrument ne peut l’égaler.

Comment en êtes-vous venue à collaborer avec le David Orlowsky Trio ?

David Orlowsky m’a contactée pour me proposer « Noema » que nous avons ensuite enregistré en 2007 et qui a été couronné d’un ECHO Klassik dans la catégorie « Music without Borders » l’année suivante. Dès le départ, l’enjeu était grand car il est plutôt inhabituel de rassembler une contrebasse, une guitare, une clarinette et un orgue pour un projet klezmer mais David était convaincu du rendu sonore. Depuis, nous nous sommes parfois croisés mais chacun ayant sa vie et ses projets, nous n’avons pas collaboré depuis longtemps. Il est donc très important de voir qu’il reste quelque chose dix ans plus tard. Nous proposerons toutefois de nouvelles compositions, en plus des pièces du disque. David tenait à ce que l’orgue, de même que lui, à la clarinette, joue en solo et que ce ne soit pas seulement de la musique de chambre. Ce concert est donc un événement assez unique !

Comment vos deux univers se mêlent-ils ?

Avant de rejoindre ce projet, j’avais interprété des oeuvres du répertoire, de Schumann, Mozart et Weber, pour clarinette et orgue, et avais été impressionnée de voir combien ces deux instruments s’accordaient bien. Les fonctionnements sont similaires, dans la mesure où ils permettent d’entendre l’air, la respiration et les détails mécaniques. À certains moments, on ne sait même plus très bien s’il s’agit de l’orgue ou de la clarinette. Quant au David Orlowsky Trio, l’ensemble est constitué depuis si longtemps que les musiciens

forment comme un seul et même organisme. Je suis ravie de me joindre à eux car toujours curieuse de voir ce que font les autres musiciens et je ne veux pas toujours être soliste !

Comment décririez-vous le programme de ce soir ?

La musique klezmer est au centre. Le contrebassiste Florian Dohrmann ainsi que David Orlowsky ont effectué des arrangements d’une grande finesse mais aussi écrit des musiques originales qui intègrent très bien les mélodies klezmer traditionnelles. L’improvisation occupe une place importante mais ne me concerne pas directement. Elle est surtout l’affaire de David Orlowsky à la clarinette. De mon côté, je jouerai des pièces contemporaines pour orgue seul.

Votre concert à la Philharmonie s’inscrit dans la série « Autour de l’orgue », après celui donné en février par Naji Hakim, un organiste, également compositeur, dont vous avez créé plusieurs oeuvres. Parlez-nous, justement, de votre rapport à la musique contemporaine.

J’ai en effet joué plusieurs pièces de Naji Hakim qui m’a dédié des partitions comme Bagatelle ou encore Prélude, Aria et Gigue. Nous nous sommes rencontrés en 1997 quand j’étais encore étudiante. Il était membre d’un jury de concours en Finlande et c’est là que notre amitié a commencé, une occasion incroyable pour moi de parler à ce si grand organiste ! Nous avons beaucoup échangé et il m’a demandé de lui envoyer des mélodies populaires lettones qui ont ensuite débouché sur Bagatelle. Depuis, nous nous croisons régulièrement, lors de concours notamment. Pour revenir à la musique d’aujourd’hui, je n’aime pas tout bien entendu, de même que tout ce qui a été composé à l’époque de Bach, Mozart ou Beethoven n’est pas digne d’intérêt. Je joue avec plaisir les pièces qui me sont dédiées et reste ouverte lorsqu’un compositeur me demande des conseils. Cela a été le cas l’année dernière avec Peter Eötvös et son concerto pour deux orgues et orchestre Multiversum. J’essaie toujours de trouver un équilibre entre répertoire et oeuvres nouvelles, et je ne joue jamais un programme consacré à un seul compositeur, sauf Bach – c’est un tel génie que l’on ne se lasse pas de sa musique mais ce n’est pas seulement une question d’ennui : l’histoire de la musique est si riche que les programmes doivent refléter cette diversité.

Il est d’ailleurs intéressant de voir que quand je mêle les deux, la musique contemporaine acquiert une touche classique et réciproquement, les oeuvres baroques ou romantiques se mettent à sonner plus modernes. Les pièces se dotent de nouvelles couleurs, bien que très éloignées dans le temps.

Après trois concerts à la Philharmonie Luxembourg en 2007 et 2008, quels souvenirs gardez-vous de l’orgue Schuke du Grand Auditorium ?

Il occupe une place particulière puisqu’en février 2006, j’ai réalisé le premier enregistrement sur cet orgue, avec mon disque « Prima volta » consacré à Jongen, Bach, Mozart et Schumann. J’y ai donc passé de nombreuses heures, de jour comme de nuit !

Iveta Apkalna à la Philharmonie en 2006 | photo: Sébastien Grébille Iveta Apkalna à la Philharmonie en 2006 | photo: Sébastien Grébille

J’aime cet orgue : ses sonorités ouvrent tout un monde de possibles, d’autant qu’il s’accorde très bien avec l’acoustique et le lieu.

Vous reviendrez au Luxembourg le 21 mars 2019 pour le Concerto pour orgue, timbales et orchestre de Poulenc et la Symphonie N° 3 « Avec orgue » de Saint-Saëns, aux côtés du Symphonieorchester des Bayerischen Rundfunks. Une toute autre configuration…

Mariss Jansons, également letton, est une personnalité très importante à mes yeux. Nous avons interprété ensemble la Messe glagolitique de Janáček à Lucerne et Munich, que nous avons ensuite enregistrée en DVD. Se produire avec un tel maître est incroyable ! Il a une façon unique d’écouter et d’inspirer les musiciens. Je suis ravie de le retrouver, qui plus est dans ce répertoire. À cette admiration se mêle la fierté de voir des musiciens de mon pays, comme Gidon Kremer, Mischa Maisky et Elīna Garanča, sur la scène internationale. Ce concert de la saison prochaine me permettra donc de révéler une nouvelle facette de mon art, un domaine infini qui rend si génial le fait d’être artiste !

Interview réalisée en anglais le 26.03.2018

Anne Payot-Le Nabour est Programme Editor à la Philharmonie Luxembourg depuis 2015. Après des études en littérature, allemand et musicologie, elle a travaillé pour Les Musiciens du Louvre et le Festival d’Aix-en-Provence, tout en exerçant une activité de rédactrice indépendante pour différentes maisons d’opéra.

Konzerte

  • 04.06.2018 20:00 Uhr

    Iveta Apkalna & David Orlowsky Trio

    Liegt in der Vergangenheit

    Sie war die erste, die an der Schuke- Orgel der Philharmonie eine CD aufnahm: Iveta Apkalna kehrt nach verschiedenen Konzerten in den vorangegangenen Jahren nun mit einem ungewöhnlichen und vom David Orlowsky Trio initiierten Projekt nach Luxemburg zurück. Das Ensemble ist bekannt für seine Mischung von Klezmer, Klassik, Weltmusik, Tango und Jazz. Dieses Konzert bietet die Gelegenheit, die lettische Organistin mit einer anderen stilistischen Farbe zu erleben, bevor sie in der kommenden Saison mit Meisterwerken für ihr Instrument von Poulenc und Saint- Saëns an der Seite des Symphonieorchesters des Bayerischen Rundfunks unter Mariss Jansons konzertieren wird.

    Kulturpass, bienvenue!

  • 21.03.2019 20:00 Uhr

    Mariss Jansons / Iveta Apkalna / BR Symphonieorchester

    Liegt in der Vergangenheit

    Nach einer denkwürdigen Aufführung von Bruckners Achter Symphonie statten das Symphonieorchester des Bayerischen Rundfunks und dessen musikalischer Leiter Mariss Jansons der Philharmonie Luxemburg einen erneuten Besuch ab, diesmal zusammen mit der lettischen Organistin Iveta Apkalna. Diese ist hier ebenfalls keine Unbekannte, seit sie 2006 an der Schuke-Orgel die erste CD einspielte und im vergangenen Juni ein Solo-Rezital am besagten Instrument gab. Es erklingt das gleichermaßen intime wie neobarock auftrumpfende Konzert für Orgel, Pauken und Streichorchester von Francis Poulenc sowie die opulente «Orgelsymphonie» von Camille Saint-Saëns. Ein wahrhaft «königliches» Programm also für die «Königin der Instrumente», im Verbund mit einem Orchester, das an der Weltspitze mitmusiziert.